Analysis by Bamanga Tukur, Chairman of africapractice group
Pouvez-vous imaginer qu’un jour l’Afrique jouira d’une telle influence que le reste de la communauté internationale devra se ranger à ses opinions sur les questions internationales ? Imaginez-vous qu’un jour l’Afrique soit une superpuissance ? Ce jour pourrait arriver plus tôt que vous ne le pensiez.
Lors de la conférence sur le changement climatique à Copenhague, l’Afrique a prouvé qu’elle savait se montrer unie. Malgré les différences entre les États, les 53 nations ont affiché un front uni, dans une large mesure grâce à la direction de Meles Zenawi ; et la communauté internationale a dû écouter et s’incliner. La conférence de Copenhague pourrait-elle marquer l’avènement d’une superpuissance
internationale ? Plusieurs faits le laissent penser :
- L’Afrique représente potentiellement le plus grand nombre de voix aux Nations unies - 53 voix. Si les gouvernements africains continuent à adopter une position commune comme à Copenhague, ils pèseront dans les décisions.
- L’Afrique possède la plupart des ressources naturelles mondiales, aujourd’hui en déclin. Elle bénéficie aussi d’un avantage dans le domaine des nouvelles sources d’énergie propres.
- L’Afrique compte près d’un milliard de personnes - le plus vaste marché de consommateurs hormis la Chine et l’Inde.
- La croissance économique est aujourd’hui plus forte en Afrique que dans n’importe quelle autre région du monde.
- L’Afrique disposera bientôt de sa propre force militaire de réserve qui pourrait contribuer de manière significative à la lutte contre le terrorisme.
Énergie et ressources
L’Afrique recèle d’immenses ressources : plus de la moitié des réserves mondiales de cobalt, de manganèse, de café, de cacao, d’huile de palme et d’or. Elle a du platine et de l’uranium en abondance, et possède près de 20 % du pétrole vendu sur le marché mondial. Chaque mois, n découvre de nouveaux gisements de pétrole et de gaz sur le continent. D’ici deux ans, l’Ouganda à l’Est et le Ghana à l’Ouest rejoindront le club des plus gros producteurs de pétrole. Dans le domaine des énergies propres, l’Afrique possède un atout : de nombreuses régions du continent sont propices au développement de projets d’énergie solaire. Le jour où les centrales solaires d’Afrique du Nord seront reliées à l’Europe et alimenteront des usines à Barcelone, à Bari et à Bruxelles, est peut-être tout proche. D’autre part, le continent détient 40 % du potentiel d’énergie hydroélectrique mondial, en tenant compte du barrage Grand Inga qui, une fois achevé, produira quelque 39 000 MW, ce qui en fait le plus important projet hydroélectrique dans le monde. L’Afrique est également bien lotie en énergie géothermique. À eux seuls, les pays de la vallée du Rift pourraient générer environ 7 000 MW, selon les estimations du Programme des Nations unies pour l’environnement. Le Kenya prévoit de produire 1 000 MW d’énergie géothermique d’ici à 2018.
Stabilité et croissance
Au cours de ces dix dernières années, l’Afrique a enregistré en moyenne un taux de croissance supérieur à 5 %. Parallèlement, elle a connu une période de stabilité politique sans précédent. Il y a bien eu
des heurts, notamment au Kenya, à Madagascar, en Mauritanie, au Soudan, en Guinée et au Zimbabwe, mais l’Union africaine est parvenue à résorber la plupart de ces crises, et la stabilité est revenue ou en voie de l’être. Comme l’explique Vijay Mahajan, spécialiste du marketing et consultant pour des multinationales, la classe moyenne africaine représente à peu près 300 millions de personnes qui sont aussi des consommateurs. On peut établir un parallèle avec ce qui s’est produit en Inde il y a quinze ans, quand l’urbanisation rapide et les investissements massifs dans les services et les infrastructures ont transformé le pays. Bientôt, plus de 70 villes africaines compteront une population de plus d’un million d’habitants. Aujourd’hui, le PNB par habitant est déjà plus élevé en Afrique qu’en Inde, et un quart des nations africaines a un PNB par habitant supérieur à celui de la Chine. Alors que les économies européenne et américaine stagnent, l’introduction de nouvelles technologies en Afrique, en particulier les TIC, permettra au continent de progresser à pas de géant. Aucun doute qu’il se développera davantage dans les dix ans à venir qu’au cours des 50 dernières années.
Superpuissance : les clés d’un statut
Devenir une superpuissance demande beaucoup d’efforts. Mais surtout, pour accéder à ce statut, un pays doit se convaincre qu’il est une superpuissance. Il doit adopter une attitude radicalement différente. Moins de dépendance, davantage de vision. Ces dix dernières années, à part quelques exceptions notables (Obasanjo, Bouteflika, Wade, Mogae et Mbeki peut-être, ainsi que quelques membres de la commission de l’Union africaine), l’Afrique a cruellement souffert de l’absence de dirigeants charismatiques et d’un manque de vision parmi les élites politiques. Un système d’éducation de qualité et le retour de milliers d’Africains dans leur pays devraient tout changer. Lagos, Luanda et d’autres centres d’activité du continent accueillent déjà les Africains de la diaspora qui reviennent en masse. Ceux-ci ont été formés dans les meilleures universités du monde. À présent, ils rentrent chez eux pour exercer leur métier. Ils emportent avec eux des capitaux, du savoir-faire et de nouvelles technologies. On assiste à ce que j’ai appelé la « Raspora ». La vente de Celtel qui a rapporté des millions il y a cinq ans à Mo Ibrahim, le chef d’entreprise soudanais vivant au Royaume-Uni, a attisé leur appétit. Depuis, « l’effondrement » des États-Unis et de l’Europe a rendu le retour au pays encore plus tentant.
L’Afrique a besoin aujourd’hui de bons dirigeants. Une génération animée de convictions profondes, comme le nouveau président du Gabon, permettra à l’Afrique d’accéder au statut de superpuissance. Pour cela, ces nouveaux dirigeants doivent mettre fin au clientélisme et se tourner résolument vers leur nation, leur région et vers le monde.